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La mise en place d’organismes d’état de surveillance des risques et les conséquences juridiques

 

           Suite aux essais nucléaires effectués en Algérie de 1960 à 1966 puis en  Polynésie française de 1966 à 1996, sous la direction du centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) de nouvelles organisations non gouvernementales, scientifiques,  préventives et opposées aux essais nucléaires voient le jour aussi bien au niveau national qu’international. En réponse l’état français et les autres nations concernées ont mis en place des organismes de contrôle et de surveillance de la population, du personnel, de la faune et de la flore. Par la suite, l’état français s’est engagé législativement en élaborant de nouvelles lois ayant pour but d’encadrer la recherche et l’exploitation du nucléaire.

Pendant plusieurs années, le gouvernement français a réfuté toute responsabilité concernant les effets nocifs des essais nucléaires et c’est seulement en 2010, que l’état a engagé sa responsabilité en instaurant une loi reconnaissant les risques sur la santé des personnes exposées à la radioactivité.

 

  • Au niveau national

 

Des organisations gouvernementales :

     

           Dès 1958, l’état a créé la Commission Consultative de Sécurité (CCS), elle détermine l'ensemble des règles et des pratiques de surveillance radiologique du personnel, des populations et de l'environnement, et elle a pour objectif de les faire respecter.

En 1962, avant la création du CEP, basé à Tahiti, le laboratoire de surveillance radiologique (LSR), a mesuré et analysé les retombées radioactives consécutives aux essais aériens effectués dans le monde. En 1979, il est renommé Laboratoire d'étude et de surveillance de l'environnement (LESE). Cet organisme est sous la tutelle de l’institut de protection et de sûreté nucléaires (IPSN). Ces  analyses sur la radioactivité naturelle et artificielle sont transmises au comité scientifique des Nations Unies sur les effets des radiations atomiques (UNSCEAR).

En janvier 1964, la création de la direction des centres d’expérimentations nucléaires (DIRCEN) assure la conduite des programmes d’essai, la surveillance radiologique du personnel, des populations, du site et le respect des règles de sécurité. Cet organisme combine les armées, le commissariat à l'énergie atomique (CEA crée en 1945) et la gestion des opérations du CEP.

Dès juillet 1964, deux services de surveillance dépendant de la DIRCEN sont créés :

-le service mixte de sécurité radiologique (SMSR) chargé d’assurer la sécurité radiologique des personnels, la surveillance et la prévention de tout risque de contamination. Chaque année, il effectuera  plusieurs analyses sur l’environnement (air, eau…).

- puis en août 1964, le service mixte de contrôle biologique (SMCB), composé de personnels militaires de santé, de scientifiques et de personnel civils de la protection sanitaire du CEA. Il surveille la radiobiologie de l’environnement proche, de la flore, de la faune, de l’eau potable et des denrées alimentaires. Une équipe de scientifiques a régulièrement prélevé, dans les lagons, des échantillons sur des végétaux (coraux…), sur les animaux  avec l’aide d’un navire océanographique.

Les deux services ont fusionné en 1994 pour former le service mixte de sécurité radiologique et biologique de l’homme et de l’environnement (SMSRB), il a continué d’assurer la surveillance de l’environnement même après la fin des essais en janvier 1996.

 

 A partir de 1998, l’état confie la surveillance au département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires (DSCEN) de la Délégation générale pour l'armement. Cet organisme met en œuvre une campagne annuelle de prélèvements sur les anciens sites d'essais de Mururoa et Fangataufa, et publie ses résultats chaque année.

 

Un cadre législatif :

 

          Depuis le début des essais nucléaires et encore aujourd’hui, les réglementations autour de la recherche et l’utilisation du nucléaire ont été encadrées par plusieurs lois. Tout d’abord, de 1966 à 1996 des lois applicables aux domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ont vu le jour mais essentiellement en cas d’accident nucléaire.

  • Loi n°68-943 du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire dans laquelle il est précisé le processus d’indemnisation des personnes victimes d’un accident nucléaire.

  • Loi n°88-1252 du 30 décembre 1988 autorisant l'approbation d'une convention sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique

Ø  Loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale (1) : AFSSE

Ø  loi n°2001-398 du 9 mai 2001, créant L’institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN),

Il réunit l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) et l'office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI). Placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de la Défense, de l’Environnement, de l'Industrie, de la Recherche et de la Santé, il réalise des recherches, des expertises sur les risques nucléaires et radiologiques dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la protection contre les rayonnements ionisants. L’IRSN envoie toujours un rapport annuel sur le sujet au Comité scientifique sur les effets des radiations atomiques des Nations Unies (UNSCEAR).

 

  • Loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, créant l’autorité de sureté nationale : ASN.

Elle assure la réglementation et le contrôle du nucléaire pour protéger le public, les patients, les travailleurs et l’environnement. Elle informe les citoyens. Elle représente la France dans les instances internationales.

 

Ø  Loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin, avec la création du comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN).

 

Le CIVEN est une autorité administrative indépendante qui a la compétence pour attribuer ou non des indemnisations. Il est composé de 9 membres, nommés par décret du président de la République pour une période de trois ans renouvelable.

 

La procédure d’indemnisation concerne les personnes atteintes de maladies résultant d’une exposition aux rayonnements des essais nucléaires français réalisés dans le Sahara algérien et en Polynésie française entre les années 1960 et 1998. Elles sont classées en deux catégories. La première concerne le personnel directement exposé aux essais, le personnel des armées, le personnel du CEA et des entreprises, les travailleurs. La deuxième implique les populations voisines des essais.

 

La liste des maladies ouvrant droit à l’indemnisation est fixée par décret en Conseil d’État, elle comprend 21 pathologies radio-induites, conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale.

Egalement prévue par la loi, une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires est réunie au moins deux fois par an par le gouvernement. Elle ne se prononce pas sur les demandes d’attribution d’indemnisation mais elle est consultée sur le suivi de l’application du dispositif et peut intervenir sur les modifications éventuelles de la liste des maladies radio-induites. 

 

En créant cette loi, le gouvernement français accepte de reconnaître ses responsabilités mais avec certaines limites. En effet, en 2014, sur 900 demandes d'indemnisation, seules 17 ont été acceptées.

Le gouvernement a refusé plusieurs indemnisations car il considérait que les cancers déclarés apparaissaient trop tardivement pour être liés à l’exposition à la radioactivité.

Par exemple, un ancien ouvrier ayant travaillé pendant 8 ans sur le site d'expérimentation du Pacifique est mort trente ans plus tard d'un cancer broncho-pulmonaire. Son épouse considère la contamination radioactive comme responsable de sa maladie et de son décès. Elle lance une demande d'indemnisation qui sera rejetée plusieurs fois avant d'être acceptée sous pression de la justice. Le CEA sera condamné en première instance au civil pour ce décès et accusé de ne pas avoir pris les mesures nécessaires de sécurité pour éviter la contamination.

Aujourd'hui encore des modifications sont apportées à cette loi.

 

  • Au niveau européen

 

         Dès le début de l’utilisation de l’énergie atomique, l’union Européenne s’est très rapidement positionnée en élaborant le traité Euratom.

Ø  Le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom)

Signé en 1957, le traité Euratom avait pour objectif de coordonner les programmes de recherche déjà lancés ou en cours de lancement des États membres, en vue de l’utilisation civile de l’énergie nucléaire.

Au niveau européen, il a permis d’harmoniser une politique stricte de contrôle sur la sécurité nucléaire  et la radioprotection . En effet, sur la base de ce traité, la commission a établi des normes européennes qui sont seulement des recommandations.

Par ailleurs, les politiques communautaires de l'environnement et de la recherche complètent également le contrôle du secteur nucléaire.

  • La directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 vise à établir un cadre

communautaire permettant d’assurer la sûreté nucléaire au sein de la Communauté européenne de l’énergie atomique et à encourager les États membres à garantir un niveau élevé de sûreté nucléaire. 

 

 

  • Au niveau international

  

        Pendant la durée des essais, la France s'est conformée en permanence aux recommandations des organisations internationales compétentes en particulier celles émises par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR).

 

Créée en 1928,  la CIPR est une organisation non gouvernementale scientifique composée de  médecins, de physiciens et de biologistes de tous les pays. Elle émet des recommandations aux organismes réglementaires sur la radioprotection, sur les effets des rayonnements et sur les règles de protection et les niveaux d'exposition à ne pas dépasser pour assurer un niveau de protection suffisant contre les effets néfastes des rayonnements ionisants.

 

Cette organisation est liée au Comité scientifique sur les effets des radiations atomiques des Nations Unies (UNSCEAR), créé en 1955 au sein de l’ONU. Il étudie les effets des rayonnements atomiques. Il permet de rassembler le maximum de données sur les niveaux d’expositions dus aux diverses sources de rayonnements ionisants et les risques que cela constitue pour l'environnement et la santé. Il établit un bilan régulier de ces données et une évaluation des effets. De plus, il propose des limites de dose en matière de radioprotection.

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